RÉGLETTE DU PLAISIR
Permettre
à l’enfant d’exprimer le plaisir ressenti lors
de la pratique d’une activité physique et/ou sportive |
Dans le but de favoriser une attitude-santé active tout au long de la vie, l’USEP souhaite développer, chez les enfants, et ceci dès le plus jeune âge, le goût pour la pratique des activités physiques et sportives. Afin d’augmenter le capital santé des enfants, l’USEP prend le parti-pris de les mettre en situation de s’engager avec plaisir dans une pratique significative d’activités physiques ou sportives.
En fin d’école primaire, l’objectif est que les enfants soient en capacité :
d’exprimer et de prendre en compte leurs ressentis lors de la pratique d’une activité physique et/ou sportive,
d’affiner leurs goûts quant à leurs préférences dans le domaine des pratiques physiques,
de prendre du plaisir à adopter un mode de vie actif.
Pour cela, l’USEP crée la Réglette du plaisir utilisée principalement pour qualifier le plaisir ressenti par les enfants lors de la pratique d’une activité physique ou sportive, celle-ci pouvant se dérouler lors de séances d’activités encadrées (EPS, Club, rencontre sportive…), lors de jeux récréatifs seuls ou en groupe (jeux sportifs dans la cour de récréation, activités sportives en famille, jeux avec des ami(e)s…) ou bien encore lors de déplacements quotidiens.
Un enfant qui gardera en mémoire la trace du plaisir ressenti lors de la pratique d’une activité physique ou sportive aura peut-être envie de revivre ce moment et de réitérer cette expérience ou de s’engager dans une nouvelle expérience de pratique physique.
1. Le plaisir : une émotion ?
Delignières et Perez (1998) définissent le plaisir en tant qu’état émotionnel agréable, une réponse affective positive vis-à-vis de la pratique sportive1. Nous retiendrons de cette définition les qualificatifs attribués au plaisir : son côté agréable et positif. Le plaisir en tant qu’état affectif intègre les émotions et les sentiments.
Nous distinguerons deux types de plaisir : le plaisir immédiat qui peut être considéré comme assez proche de l’émotion et le plaisir différé qui apparaît plus proche du sentiment, à condition que le sujet ait conscience de ses émotions et leur attribue un sens2. Ce plaisir différé est à comprendre comme un plaisir projeté puisque quand il advient, alors ce plaisir est immédiat.
D’autres auteurs nous permettent d’enrichir et de préciser le sens donné au terme émotion :
Damasio (1995) met en évidence le fait que les émotions sont intégrées à l’action. L’émotion peut être à la fois associée à la perception subjective d’une action, à la perception corporelle inhérente à celle-ci (battements du cœur…) et aux modifications engendrées sur la pensée3.
Le Breton (2004) considère les émotions comme associées à des valeurs personnelles mais aussi en tant que modes d’affiliation à une communauté sociale, une manière de se reconnaître et de pouvoir communiquer ensemble sur le fond d’un ressenti proche4.
Therme (2006) ajoute la dimension environnementale à la définition des émotions. Pour lui, celles-ci sont engendrées par l’interaction entre le ou les individus et les environnements physiques et matériels5.
Les émotions peuvent être envisagées dans plusieurs composantes : individuelle, sociale, environnementale.
Le plaisir est un phénomène affectif. C’est ce qu’ont ressenti ceux qui disent en avoir éprouvé. C’est un ressenti positif, pendant ou juste à la fin d’une action, qui résulte d’une combinaison complexe d’affects (humeurs, émotions, sentiments…) mis en relation, avec l’expérience antérieure et l’histoire du sujet ce qui lui confère une dimension sociale et culturelle6.
L’expression
du plaisir et/ou du déplaisir s’inscrit dans cette complexité.
2. Permettre l’expression des émotions et du plaisir
Ria (2005) met l’accent sur le fait de considérer les émotions non pas comme des phénomènes naturels mais comme des artefacts c’est-à-dire des fabrications par l’homme, des résultats de son action volontaire et délibérée. Les émotions sont souvent associées à une expérience subjective de plaisir ou de déplaisir7 ».
Ainsi, les enseignants cherchent à proposer des situations agréables incitant à s’engager, en agissant sur les émotions de leurs élèves. S’intéresser aux émotions est considéré comme un moyen dont dispose l’enseignant au service des apprentissages, des progrès. Le protocole de l’USEP s’inscrit dans cette perspective.
Certaines manifestations émotionnelles, telles que des mimiques faciles se traduisant par des sourires, sont visibles et facilement décryptables. La communication des émotions passe par une verbalisation qui permet d’exprimer des sentiments de tristesse, de joie…
Faire communiquer, verbaliser les affects, les émotions, les sentiments offre à l’enseignant un indicateur sur l’état dans lequel se trouvent ses élèves. L’inducteur permettant à l’enfant d’exprimer ses ressentis peut être la réglette proposée par l’USEP8.
3. La Réglette du plaisir, des émotions,
La Réglette du plaisir créée par l’USEP est un outil médiateur et inducteur.
Cet outil adresse une offre personnalisée et singulière au je de l’enfant. À l’occasion d’activités physiques et sportives, la Réglette du plaisir lui permet d’extérioriser son ressenti, ses émotions intimes et de qualifier ainsi ce qu’il a éprouvé. Permettre à l’enfant d’exprimer ses affects, ses émotions, ses sentiments, c’est déjà lui montrer qu’il existe.
La Réglette du plaisir est un support de pensée, une aide à la formalisation et à la communication des ressentis. Cet acte vise un double but : dépasser les situations de blocages provoquées par des émotions négatives et valoriser les ressentis positifs ; tout cela dans la perspective de favoriser le plaisir de pratiquer une activité physique et sportive.
4. L’utilisation de la Réglette du plaisir
L’utilisation de la réglette engendre une posture particulière pour l’enfant et pour l’adulte. Chaque protagoniste doit s’interroger sur sa représentation de l’outil et sur son utilisation dans le cadre de la pratique des activités physiques et sportives.
Adultes et enfants n’ont ni le même statut, ni les mêmes objectifs, ni les mêmes moyens. Il est indispensable que l’adulte qui utilise la Réglette du plaisir ait pleinement conscience de son propre positionnement dans les domaines de la santé et du plaisir.
Enfants comme adultes ont un certain nombre de questions à se poser :
L’enfant doit s’interroger sur
ce que veut l’adulte, pourquoi ces questions-là lui sont-elles posées, comment ses réponses vont-elles être exploitées, …
ce qu’il éprouve lorsqu’il exprime ses ressentis.
L’adulte doit s’interroger sur
ce qu’il va demander à l’enfant, ce qu’il attend de lui,
ce que signifie la réponse de l’enfant, à quoi elle renvoie,
comment il va utiliser les informations recueillies, ce qu’il fait de ce qui lui est dit.
L’utilisation
de la Réglette
du plaisir
conduit l’enfant à se représenter et à extérioriser son monde
intérieur.
Cela sous-entend un climat de confiance suffisant entre l’adulte et
l’enfant afin que celui-ci puisse s’exprimer au mieux.
5. L’adaptation de l’utilisation de la réglette selon l’âge des enfants
Les possibilités d’expression et de raisonnement de l’enfant évoluant avec sa maturation, les objectifs de l’enseignant et l’utilisation de la Réglette du plaisir seront différentes et de plus en plus complexes selon l’âge des enfants auxquels on s’adresse.
En maternelle
Il s’agit d’apprendre progressivement à identifier ses ressentis, à les extérioriser. Grâce à un objet transitionnel (la Réglette du plaisir), l’expression de chacun des enfants et la mise en mots des émotions sera facilitée. L’adulte sera plus attentif aux intentions formulées par l’enfant qu’au résultat lui-même indiqué par le positionnement du curseur. À cette étape de la scolarité, il est important que l’adulte soit disponible et à l’écoute de chaque enfant afin que celui-ci se sente reconnu et pris en compte.
En cycle 2
L’enfant est moins centré sur lui-même et davantage autonome tout en restant encore très ancré sur le concret. Il va pouvoir s’approprier la Réglette du plaisir et l’utiliser comme un jeu. Il est moins dépendant de l’adulte et attache davantage d’importance aux liens avec ses pairs. Cette attitude lui permet une construction de ses ressentis davantage bâtie sur une mise à distance de ses émotions et un partage de celles-ci avec ses camarades. L’adulte sera attentif à l’évolution des indications apportées par le curseur au fil des séances, aux réactions des enfants et à la manière dont il les communique.
En prenant appui sur des échanges collectifs, l’adulte questionnera les enfants afin de faire émerger d’éventuelles solutions qui permettraient d’identifier des leviers permettant de dépasser les émotions négatives perçues par un certain nombre d’entre eux.
En cycle 3
L’enfant est capable d’un raisonnement de plus en plus construit et son degré d’autonomie s’accroît. En identifiant les leviers qui lui permettront de dépasser sesémotions négatives et de gérer son stress, l’enfant va être capable de trouver seul des solutions et de prendre les décisions nécessaires. L’enseignant lui permettra de construire et de s’approprier plus finement les concepts relatifs aux émotions (peur, joie, tristesse, colère…).
En fin d’école élémentaire, chez certains enfants, l’évolution physiologique peut amener des modifications corporelles ayant des répercussions sur la gestion de l’activité physique, sur l’image de soi et sur la place dans le groupe. L’utilisation d’une réglette collective peut dans ce moment de transition être facilitante.
Afin d’éviter la gêne provoquée par certaines situations individuelles, l’enseignant relaiera, si besoin est, les questionnements au niveau du groupe.
L’approche plus sportive des activités physiques l’amènera aussi à interroger les enfants sur leur propre gestion du stress.
L’utilisation de la Réglette du plaisir est opportune dans un temps précis. Une utilisation régulière de longue durée permettant la prise en compte des ressentis de l’enfant conduira à la suppression de cet outil et son remplacement par le dialogue, alors suffisant.
6. Recommandations
Attention, il ne s’agit pas d’évaluer le degré de satisfaction qu’un enfant éprouve lors d’une rencontre sportive mais bien son plaisir et/ou son déplaisir ressenti lors de la pratique d’une activité physique et sportive précise voire même d’un seul exercice ou d’une seule situation.
Ce ressenti positif, exprimé dans un temps le plus proche de la situation, peut être le plaisir de jouer, gagner, partager, réussir, être reconnu, ressentir….
L’utilisation de la réglette nécessite un temps de débat afin que chaque enfant prenne conscience des différents ressentis exprimés par ses camarades et que le groupe puisse imaginer et construire, lorsque cela est possible, des solutions permettant de dépasser les blocages ou les ressentis négatifs exprimés par certains de ses membres.
L’adulte doit adopter une posture neutre lors de ces temps d’expression et de débat et il se doit de clore la séquence par des paroles qui permettent à chacun des enfants d’avoir une estime de lui positive.
7. Repères pour la posture de l’animateur
L’animateur est garant du bon déroulement de la séquence de l’utilisation de la Réglette du plaisir. Pour ce faire, il est indispensable de respecter les indications suivantes :
Présenter le cadre de l’utilisation de la réglette afin de rassurer les participants.
Être précis dans la consigne donnée pour le positionnement du curseur sur la réglette individuelle ou de la gommette sur la grande bâche du plaisir utilisée collectivement.
Faire respecter la parole exprimée en demandant à l’ensemble du groupe d’une part, d’être à l’écoute et d’autre part, de s’interdire de porter des jugements sur les propos tenus par les camarades.
Rester neutre, respecter les points de vue de chacun.
Distribuer la parole afin de permettre à un maximum d’enfants de s’exprimer.
Conclure en ayant le souci de préserver l’estime de soi de chaque enfant : leur permettre d’envisager des perspectives positives.
Point de vigilance
Un enfant ne doit pas se retrouver devant le groupe en situation de devoir se justifier sur la position du curseur ou de sa propre gommette s’il ne le souhaite pas, c’est pourquoi il est important d’engager la discussion sur la photographie de l’ensemble des réponses afin d’éviter toute stigmatisation.
Voir la fiche Utilisation de la Réglette collective du plaisir lors d’une rencontre USEP.
1. Delignières, D. et Perez, S. (1998). Le plaisir perçu dans la pratique des APS : Élaboration d'un outil d'évaluation. Revue S.T.A.P.S., n°45, p. 7-18.
2. Osadczuk, C. (2010), Évaluation de l’outil « Sport, Santé, Plaisir ». Mémoire de Master, Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand.
3 Damasio, A.R. (1995). L’erreur de Descartes : la raison des émotions. Paris : Odile Jacob.
4. Le Breton, D. (2004). Les passions ordinaires. Anthropologie des émotions, Paris : éditions Petite Bibliothèque Payot.
5. Therme, P. (2006). De l’incontournable prise en compte des émotions en EPS. Cahiers du CEDRE n°5.
6. Revue Enseigner l’EPS n°253 de juin 2011. Séminaire du groupe ressource Plaisir et EPS de AE-EPS.
7. Ria, L. (2005). Les émotions, Paris : Éditions Revue EPS.
8. Osadczuk, C. (2010), déjà cité.